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La quête du bonheur en entreprise et la découverte du siècle

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Disons-le sans ambages : la découverte des neurones miroirs en 1996 est l’une des plus importantes percées scientifiques des dernières décennies, et pas seulement parce qu’elle donne raison à Aristote qui disait « Le désir est l’unique force motrice » et à Spinoza « Le désir est l’essence même de l’Homme ».

En effet, Scott Garrels (chercheur californien  en psychologie clinique) affirme : « Le développement humain est construit sur l’imitation qui est basée sur l’activité neuronale miroir et le comportement réciproque interpersonnel, comme le démontrent des preuves convergentes de la psychologie et des neurosciences ».

Tout a donc commencé en 1995, dans le laboratoire du professeur Giacomo Rizzolatti, chercheur et enseignant en physiologie à l’université de Parme, en Italie.

Le savant et son équipe étudient le comportement d’un singe, dont ils ont couvert le crâne de capteurs reliés à un puissant scanner.

Vient l’heure de la pause déjeuner. Sans quitter le laboratoire, les chercheurs découpent une pizza et se servent.

Dring ! Le scanner du singe se met à « sonner ».

L’animal regarde les humains manger et chaque fois que l’un d’eux tend la main vers un nouveau morceau de pizza, il fait sonner le scanner.

Mais ce que les chercheurs découvrent, c’est que la zone active dans son cerveau est celle qui correspond au mouvement de la main, ce qui signifie que sans bouger, il prend « neuronalement » un bout de pizza !

Et c’est ainsi que commence une formidable nouvelle étape de l’exploration scientifique.

Giacomo Rizzolatti et son équipe ont analysé comment, au moment où l’animal voit quelqu’un faire un geste qui stimule son désir, son cerveau met en branle exactement le même processus.

Les chercheurs italiens annoncent la découverte d’un processus mimétique qui nous concerne tous : chaque fois que nous voyons une autre personne agir, surtout si elle nous paraît semblable à nous, des neurones miroirs « s’allument » dans notre cerveau, qui imite celui de notre modèle.

En peu de temps, les labos de neurophysiologie du monde entier vont se ruer sur la nouvelle. Les grandes universités américaines invitent Rizzolatti à bénéficier de leurs équipements… autrement plus luxueux que ceux de Parme.

Depuis, les résultats s’accumulent, chaque mois ou presque une nouvelle trouvaille vient ajouter son lot d’information. Un pianiste joue et, sur l’écran du scanner, une véritable symphonie de couleurs révèle la magnifique complexité de ce qui se passe dans son cerveau. À côté, un autre pianiste ne fait que l’écouter, et c’est quasiment la même symphonie de couleurs !

En revanche, dans le cerveau d’un auditeur non musicien, même content, il ne se passe pas grand-chose.

Fait capital : C’est grâce aux neurones miroirs, qui seraient actifs dès la naissance, que notre appareil neuronal s’est structuré, pendant les deux ou trois années qui ont suivi notre naissance, par imitation du comportement de nos parents ou des personnes s’occupant de nous.

Pour Boris Cyrulnik , le neurone-miroir serait à la base de l’empathie, de la relation, de la compassion, et même de la culture qui nous permet de faire société en créant des symboles qui nous unissent.

Répercussions philosophiques et traduction managériale :

La découverte des neurones miroirs n’a pas fini de provoquer des remous dans la pensée humaine.

Elle montre par exemple que notre cerveau moteur ne fonctionne pas, comme on le croit souvent, comme un robot qui aurait appris à effectuer certains gestes découpés en une succession de mouvements mécaniques, mais qu’il est entièrement habité par l’idée de l’action toute entière.

Ce n’est pas le mouvement du bras pour prendre la pizza, puis celui de porter la main à la bouche qui sont engrammés dans notre cerveau, mais l’action de  » saisir pour manger « , c’est-à-dire le geste avec son intention.

Exit une bonne fois pour toutes les contresens du management taylorien, et autres méthodes Lean, visant à découper un processus en petites actions ultra spécialisées par recherche effrénée de productivité !

Nous comprenons mieux dès lors que la quête de sens n’est pas l’apanage des millennials au sein de l’entreprise puisque notre cerveau est structuré pour appréhender la finalité de toute action.

Mieux encore, les neurones miroirs offrent une formidable vérification expérimentale d’une théorie philosophique, celle du désir mimétique proposée par René Girard (professeur de littérature comparée des universités de Stanford et de Duke, membre de l’Académie française) dans les années 1960.

Résumons sa thèse : notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle… et mon rival.

Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne également la formation du moi. « En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement » nous dit René Girard.

Nous sommes des « moi du désir ».

Nos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. Les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des spectateurs.

Impossible de rester assis quand une « ola » emporte la foule autour de nous lors d’un match de foot, même si on n’aime pas ça !

Et c’est encore le désir mimétique qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon…

Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas.

Boris Cyrulnik, par exemple, défend que si pour une raison quelconque le processus mimétique ne se met pas en place au début de la vie d’un individu, celui-ci devient, presque à tous les coups, psychotique : ne ressentant rien des sensations d’autrui, il ne pourra pas communiquer avec lui et, dans certains cas, pourra éventuellement le torturer sans gêne – pour Cyrulnik, c’est la définition même du pervers.

On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre !

Certes, la découverte des neurones miroirs et sa comparse, la théorie du désir mimétique, ne nous rendront pas meilleurs à elles toutes seules.

Mais elles peuvent nous permettre de prendre de la distance par rapport aux imitations auxquelles nous invite sans cesse l’environnement social, et singulièrement la télévision, riche en images faisant appel aux émotions.

Elles peuvent également nous aider à prendre le recul nécessaire pour éviter le passage du désir à la rivalité, et donc à la violence.

Jean-Michel Oughourlian (neuropsychiatre et psychologue), auteur de la théorie d’une psychologie mimétique, s’est interrogé sur la place du libre-arbitre si tous nos désirs ne sont qu’imitation.

Il nous propose sa réponse : « La liberté n’est pas un cadeau que l’homme recevrait au départ, entier et achevé ».

En revanche, nous pouvons cultiver notre capacité à nous libérer progressivement ; non pas tant du désir mimétique lui-même, que de la rivalité à laquelle il pousse.

Un homme peut  revenir au stade d’apprentissage qu’il a connu dans l’enfance, quand on lui montrait et qu’il imitait, tout en gardant paisiblement le modèle comme référence, et se libérer de ce carcan de rivalité qui l’enferme dans la jalousie, l’envie, la violence.

La sagesse consiste à finir par apprendre à désirer ce que l’on a, et non pas systématiquement ce que l’on n’a pas. Si l’on y parvient, nous serons dans la sagesse, mais surtout libérés.

Dès lors que l’on est sans désir de possession, nous devenons libres de creuser ce que l’on a et capables d’une certaine distance vis-à-vis des désirs et des comportements que nos neurones miroirs nous poussent à imiter.

La quête du bonheur en entreprise… ou le mythe de Sisyphe :

Ainsi, la découverte scientifique des neurones miroirs, validant la théorie du désir mimétique, nous démontre que la quête du bonheur en entreprise ressemble au mythe de Sisyphe.

Plus les Happiness managers s’approcheront « du sommet de la montagne » pour atteindre le point culminant où se trouverait la clé du bonheur en entreprise, et plus le « rocher » de leurs efforts sincères risque de tomber de l’autre côté de la montagne.

Armés de leur détermination, ils regraviront alors la pente… et les mêmes causes produiront les mêmes effets !

Puisque mon désir est mû parce qu’est ou possède l’autre, ma quête du bonheur ressemblera à courir après mon ombre avec le soleil dans le dos.

Elle sera toujours devant moi et inatteignable puisqu’elle se définit par ce que je ne suis pas et ne possède pas !

Alors, sommes-nous condamnés à être des individus éternellement frustrés courant vainement après la chimère du bonheur ?

 

Peut-être pas… mais cela nous invite à réviser notre notion du bonheur, et prendre le point de vue de Carl Jung.

« Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. La vie nécessite pour son épanouissement, non pas de la perfection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression, ni ascension. »

Ce sont notamment les travaux de Jung qui sont à la base du modèle DISC.

Celui-ci nous permet d’objectiver :

  • –  notre  Moi naturel qui représente la meilleure version de nous-même puisqu’elle nous permet de faire vivre de façon apaisée tout notre arc-en-ciel de talents,
  • –  mais aussi notre Moi adapté qui n’est rien d‘autre que l’intériorisation d’une pression mimétique (réelle ou supposée) de notre entourage. « Je me conforme à ce que je crois que mon entourage attend que je sois. »

Accepter que ce désir mimétique est la condition existentielle de l’Homme, le regarder en face et s’en libérer, ne serait-ce pas une philosophie de la plénitude vers laquelle nous pourrions tendre ?                 

Si vous souhaitiez réaliser votre profil Arc-en-ciel (modèle DISC), nos coachs certifiés se tiennent à votre disposition.